Yann Perreau

« Révolution! » VI

Les dernières semaines n’ont pas été de tout repos et, bien que les portes de l’asile viennent de rouvrir, la liberté est fragile, plusieurs l’ont compris. Résultat : le monde marche sur des oeufs, le climat est à la méfiance. 

Clair que si la gestion de crise (dans son climat de peur et de division) continue comme ça, les conséquences causeront bien plus de dommages que la pandémie elle-même. 

La nuance et la réflexion ont foutu le camp ; que frictions et fractures. Et les usuriers qui sont les maîtres du jeu s’en lavent les mains. « C’est la guerre! » enfoncent-ils dans la gorge du peuple surgavé. 

Sur les réseaux sociaux (version moderne des perrons d’églises d’autrefois), certains citoyens commencent à manifester leur mécontentement, seulement, la pression sociale est si forte qu’il est risqué de remettre en question le narratif officiel. Quiconque ose critiquer est pointé du doigt, tassé et fiché : complotiste par-ci, conspirationniste par là… 

Oui, ils sont légion les coucous, Nicky est lucide, mais qui sont-ils, au juste? 

« Un jour ou l’autre, faut choisir son camp. » a dit récemment Gemini à Nicky après que ce dernier eut lancé un appel au calme sur son compte Tilter (en réponse aux nombreuses incitations à la violence après l’assassinat d’un américain de race noire par un flic blanc). 

-Je me suis permis d’effacer ton message de paix et de tolérance. Trop mou. Faut être intransigeant si on veut qu’ça change. C’est ça la révolution, mon chum!

A ce monologue révolutionnaire de pacotille, Nicky aurait pu rétorquer : que le dialogue, que la résilience, que l’ouverture, que le pardon… Mais Nicky a choisi de ne pas faire de plat avec ça. Papa de trois, c’est déjà beaucoup, Nicky doit choisir ses combats. A son retour des vacances, il changera ses mots de passe et offrira à son jeune attaché de presse la biographie de Nelson Mandela. « C’est un garçon intelligent, se dit Nicky à la sortie de la forêt.

En bas du volcan, la faune est en fleurs du feu de Dieu. Les filles sont si belles et sexy à Montréal. Partout! Sur les trottoirs, à vélo, dans les taxis… Sur le sable des terrains de volleyball, les bikinis brésiliens en jettent plein la vue. Wow! 

« Le parc Jeanne-Mance pourrait s’appeler Jeanne d’Arc », fabule Nicky à l’intersection Parc / Villeneuve où une travailleuse de la ville joue du marteau-piqueur. « Cette femme en uniforme, malgré tout le vacarme qu’elle fait avec sa machine, est divine jusqu’au bout de ses bottes à caps d’acier. » Nicky a le sang chaud et se fait poète quand le feu passe au vert.

Près de chez-lui, comme pour se donner un dernier élan de courage avant le sprint ultime, Nicky fait rejouer Gonna fly now, le volume au maximum. Sa ruelle a la longueur d’un Quatre-Mâts. Dans la chaleur écrasante, Nicky met les gaz.

Il s’imagine la lumière orange brûlé du coucher de soleil sur le port de Philadelphie, mais la vie n’est pas un film ; Nicky sue de la vraie sueur et la lumière de ce midi n’a rien de cinématographique / romantique, pas plus que les amas de meubles abandonnés et sacs poubelles éventrés qui ornent l’allée. 

A deux battements d’ailes d’entrer en collision avec le coureur qui fonce vers lui comme une balle, un oiseau blanc s’envole. A bout de souffle dans son parking, Nicky pèse pause et enlève ses écouteurs.

-Fuck! Une colombe ?!

 SUITE, JEUDI PROCHAIN…

(Dessins générés par l’IA)

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